Les « Festes de l’Ós » dans le Haut-Vallespir
Dans cette partie du Pays Catalan, aux pieds des Pyrénées, tout près des gorges de la Fou, l’ours est profondément ancré dans l’inconscient collectif. Plus qu’ailleurs, durant des siècles, les habitants du Vallespir ont dû cohabiter et craindre le plantigrade.
Cette présence a donné vie à nombre d’histoires et de légendes opposant l’homme et la bête dont les traces perdurent encore aujourd’hui. Sur fond de chasse, de lutte, d’enlèvement et d’hybride mi-homme mi-ours, ces légendes donnent lieu chaque année à la célébration de la fête de l’ours dans le Vallespir.
Arles-sur-Tech, Prats-de-Mollo La-Preste et St-Laurent-de-Cerdans organisent chaque année des célébrations autour de l’ours. Cette tradition catalane célèbre le renouveau du printemps et l’arrivée du redoux à l’époque où l’ours sort de son hibernation.
3 villages pour 3 façons différentes de rendre hommage et célébrer le réveil de celui qui inspire autant de respect que de crainte : l’ours !
Arles-sur-Tech
De ce côté des Pyrénées orientales, la fête s’inspire de l’histoire de l’amour impossible d’une femme, Rosetta et d’un ours. Ce dernier enleva celle qu’il aimait, Rosetta, avant de se faire capturer par des chasseurs. De cette union naquît un être hybride, Jean de l’Ours (Juan del Ós)! Doté de la force de son père, il inspirait la crainte autour de lui et symbolisait la dualité homme/animal qui réside en chacun de nous. A Arles-sur-Tech, c’est surtout la fécondation qui est célébrée, la renaissance de la nature à la sortie de l’hiver.
Les personnages principaux sont :
- Le trappeur, mari de Rosetta et chef des chasseurs.
- L’ours.
- Les chasseurs.
Tandis que le village s’anime, l’ours se cache dans sa tanière. La battue commence pour le débusquer entraînant derrière elle tout le cortège du public. Les déguisements sont de mise ce jour-là. L’esprit de carnaval n’est pas très loin…
Une fois délogé, l’ours est entraîné vers le village ou l’épreuve des Botes (tonneaux) et des tortugues (tortues) l’attend. Il devra faire démonstration de sa force tandis que les tortugues tentent de le ridiculiser. L’animal finit par se saisir d’une spectatrice pour l’enlever, la cacher et feindre de s’accoupler symboliquement avec elle. Là encore, on célèbre la fertilité et le renouveau de la nature !
Le chef des chasseurs finit par tuer l’ours qui sera rasé pour retrouver sa forme humaine et rejoindre la grande farandole. Le tout se passe dans la bonne humeur et l’euphorie de la célébration.
Prats-de-Mollo
En guise de scène : le village et sa forteresse.
En guise d’acteurs : tous les participants (y compris le public !).
Trois jeunes hommes déguisés en ours provoquent le public depuis la forteresse surplombant le village avant de fondre sur la foule en courant ! Leurs déguisements sont composés de peaux de moutons noircies par le mélange d’huile et de noir de charbon que chacun porte sur tout le corps. Chaque « ours » provoque le public à l’aide d’un bâton. Une sorte de danse en cercle s’opère, le tout entouré par le public, et donnant lieu à un échange entre l’ours et sa victime. Chacun se jette le bâton à plusieurs reprises avant que l’ours n’attaque sa proie. Résultat : le visage totalement mâchuré (noirci) !
Les ours choisissent en priorité des femmes pour jeter leur dévolu, cependant, personne n’est épargné. Si vous souhaitez y assister, ne sortez pas vos habits du dimanche !
L’intervention des barbiers, choisis parmi les anciens du village, vient arrêter la folie des bêtes sauvages. Ces derniers les capturent, les enchaînent, les exhibent puis les rasent à l’aide de leur hache. L’ours se transforme alors en homme et se libère de sa sauvagerie.
Cette célébration à lieu au mois de février, proche de la chandeleur. Cette date est à la fois religieuse et païenne, elle marque surtout le passage de la moitié de l’hiver et la venue des beaux jours. C’est dans une ambiance de franche rigolade et de camaraderie que se tient cette fête.
Tout le weekend est accompagné de musique au son de la cobla catalane. La sardane et de grandes farandoles entraînent le public dans des danses endiablées. C’est dans une ambiance particulièrement légère que déroule ce weekend. Si vos pas vous y portent, prenez-y part, vous ne serez pas déçu !
Saint-Laurent-de-Cerdans
Toujours à quelques encablures du pic du Canigou et du massif Pyrénéen, Saint-Laurent-de-Cerdans célèbre également sa fête de l’ours.
A mi-chemin entre carnaval et célébration traditionnelle, cette fête met également en scène le plantigrade tellement redouté. Accompagné, entre autres, de la Monaca et du Meneur qui finira par avoir raison de la bête, l’ours va s’échapper pour finir encerclé par tout le village. C’est dans cette enceinte que le meneur va commencer la danse rituelle du passage. Après avoir été exhibé, enchainé puis rasé, la bête est finalement terrassée.
Une fois redevenu humain, l’ours s’adonne à la danse en compagnie de son élue. C’est entourés des sardanes et au son de la musique traditionnelle que la célébration continue.
Le Meneur va déclamer la « Predica del Ós », poème réservé à cette occasion et qui conte les exploits et les drames qu’a causé le plantigrade. Il s’agit de perpétuer la tradition orale… La Monaca, quant à elle, est un personnage particulier, constitué de 2 corps emmêlés. Gare à celui qui croise son regard ! Elle n’hésitera pas à le châtier !
La fête finit en farandoles endiablées qui célèbrent l’arrivée du printemps tant attendu !
Des traditions qui font le patrimoine culturel du Pays Catalan
Il est à noter que depuis 2014, ces trois célébrations ont été inscrites au patrimoine immatériel de France. Et c’est depuis le mardi 29 novembre 2022 que les 3 fêtes de l’Ours du Haut-Vallespir sont classés Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité par l’UNESCO.
Gages de faire perdurer des traditions séculaires, ces célébrations font la part belle à la gaieté qu’amènent le printemps et son renouveau.
Si l’occasion d’assister à l’une de ces fêtes se présente, n’hésitez pas à y emmener toute la famille. C’est dans une ambiance festive empreinte de bonne humeur que vous passerez un weekend au plus près de la culture et de l’héritage catalans.
En attendant d’y assister réellement, voici un film de 3mn qui présente les 3 fêtes, film réalisé par Romuald Weber et publié sur la chaine Youtube de Sud Canigou :